La 27ème édition du Fespaco démarre aujourd’hui et à quelques heures de cet évènement incontournable pour le cinéma fait en Afrique, nous vous proposons 7 films qu’il faudra absolument voir durant le festival.
Le Fespaco 2021 sera une édition spéciale, déjà parce qu’il se tiendra dans un contexte post-covid19 et donc fait automatiquement preuve de beaucoup de résilience pour se tenir cette année, et aussi parce qu’il sera la première édition de la nouvelle équipe dirigeante conduite par Alex Moussa Sawadogo. Le Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou qui réunit chaque deux ans le meilleur du cinéma africain dans la capitale burkinabé se tiendra du 16 au 23 octobre 2021 et aura pour film d’ouverture Atlantique de la sénégalaise Mati Diop.
De toutes les sections qui ont été dévoilées, celle qui sera la plus courue sera bel et bien la compétition long-métrage fiction. Compétition qui donne droit, pour le gagnant, au prestigieux Etalon d’Or de Yennenga. A la rédaction de votre magazine nous avons parcouru la liste des 14 films en lice et nous vous proposons 7 longs-métrages qui sont nos coups de cœur et qu’il faudra absolument voir durant le festival. On assume clairement le risque qu’on prend et on espère que le gagnant de l’Etalon d’Or de Yennenga sortira de notre shortlist. On ferra la fête comme des petits enfants et on dira à coup sûr Ayila!
1 – Freda de Gessica Généus
Ce sera certainement l’un des favoris durant ce Fespaco. Freda de Gessica Généus a conquis le public durant le dernier festival de Cannes, en s’offrant un standing ovation de 8 minutes après sa projection dans la section Un Certain Regard. Le film, venu d’Haïti continue de faire parler de lui ces derniers jours avec sa sortie le 13 octobre dernier dans les salles françaises. Les médias et critiques français ne tarissent pas d’éloges pour ce long-métrage qui transcrit avec réalisme le quotidien des habitants d’Haïti, petite île dont les catastrophes, les scandales et les crises politiques ne participent pas toujours à lui donner une image reluisante. C’est d’ailleurs dans ce contexte chaotique que le film a été écrit et réalisé par Gessica Généus. Et avec ce premier long-métrage, la réalisatrice propose le portrait de trois jeunes femmes qui assument leurs choix de vie, et tentent à leur manière d’affronter une société à la dérive. Il est clair que le regard occidental n’est pas le même que celui du jury qui aura la charge de regarder les films en compétition et surtout que le Fespaco n’est pas forcément le lieu où les films célébrés ailleurs viennent imposer leur domination. Timbuktu (2014), ovationné ailleurs n’était reparti de Ouaga qu’avec le prix de la meilleure affiche !
2- La Femme du Fossoyeur de Khadar Ayderus Ahmed
Le titre seul de ce film donne déjà envie de le regarder. Sélectionné à la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes, La Femme du Fossoyeur réalisé par le finlandais d’origine somalienne Khadar Ayderus Ahmed est un drame romantique qui raconte l’histoire de Guled et Nasra, un couple amoureux, vivant dans les quartiers pauvres de Djibouti avec leur fils Mahad. L’équilibre de leur famille est menacé car Nasra souffre d’une grave maladie rénale et doit se faire opérer d’urgence. L’opération coûte cher et Guled trime comme fossoyeur pour joindre les deux bouts : comment réunir l’argent pour sauver Nasra et garder une famille unie ? Le film est une coproduction entre la Finlande (pays d’adoption du réalisateur), l’Allemagne et la France. Le film s’introduit dans le quotidien d’une famille au bord de l’implosion avec en trame de fond le quotidien des Somaliens, tiraillés entre tradition et modernité. Le film qui s’appuie sur une belle intrigue familiale et sociale est un bon candidat pour la récompense suprême.
3- Air Conditionner de Fradique
Certainement le film le plus étrange et éclectique de la sélection et de notre shortlist. Un film qui mêle drame et Science-fiction, qui mêle réalisme et magie, dans les rues de Luanda la capitale angolaise. Le synopsis du film annonce bien les couleurs de ce film particulier : les climatiseurs de la capitale angolaise commencent à tomber mystérieusement en panne. L’agent de sécurité Matacedo est envoyé par son patron afin de lui trouver un climatiseur avant la fin de la journée, mais sa rencontre avec le propriétaire excentrique d’un magasin d’électronique va changer sa mission et le plonger dans un monde mystérieux. Le film a bénéficié d’une Première internationale durant le Festival International du Film de Rotterdam en 2020. Même si le Fespaco a toujours privilégié des œuvres classiques dans le choix de ses Etalon d’Or, il n’en demeure pas moins que ce film en gagnant la récompense suprême représenterait une ouverture du festival à de nouvelles approches esthétiques. Air Conditionner garde toutes ses chances surtout parce qu’en toile de fond le film questionne d’une façon singulière l’héritage colonial de l’Angola et par extension de l’Afrique.
4- La Nuit des Rois de Philippe Lacôte
C’est le film ivoirien le plus en vue du moment. Sélectionné à la Monstra de Venise, au Festival International du Film de Toronto, représentant de la Côte d’Ivoire aux Oscars 2021, Grand Prix du Festival International de Fribourg, La Nuit des Rois ne laisse personne indifférent sur son passage. Ce film de prison qui mêle récit fantastique et poétique avec des sous-entendus politiques, plonge le spectateur dans l’univers carcéral sans chercher à prendre position ni à pointer du doigt mais en présentant simplement un monde, certes méconnu du grand public, un monde avec ses codes, avec ses lois, avec son humanité propre. Un film à voir !
5- Lingui de Mahamat Saleh Haroun
C’est le nouveau film du cinéaste tchadien Mahamat Saleh Haroun. Il faut le dire, chaque nouveau film de ce cinéaste est un évènement en soi. Non seulement parce qu’il est le seul réalisateur tchadien connu, mais aussi parce qu’il a développé au fil des années une approche esthétique et artistique particulière avec chacun de ses films. Avec ce nouveau long métrage Mahamat tentera une nouvelle fois de remporter l’Etalon d’Or de Yennenga, lui qui a remporté l’Etalon de Bronze en 2007 avec son film Daratt et l’étalon d’argent en 2011 avec Un homme qui crie. Lingui sera peut-être l’opportunité pour le cinéaste tchadien de décrocher enfin l’Etalon d’Or qui manque à sa collection de trophées. Lingui qui était en compétition officielle au dernier festival de Cannes, évoque la question toujours taboue de l’avortement et celle de l’excision en Afrique. La projection de ce film durant le festival sera à coup sûr un évènement !
6- The White Line de Desiree Kahikopo
The White Line premier long-métrage de la namibienne Desiree Kahikopo est un film qui trouve tout son sens dans le monde actuel. Car il nous embarque dans un drame romantique durant l’une des périodes les plus sombres de l’Afrique australe. Dans une Namibie sous le joug de l’apartheid, une jeune servante noire et un policier blanc se lient d’amour. Une relation « malsaine » pour l’époque, qui va leur valoir tous les tourments. Une ségrégation raciale dont l’écho est encore perceptible aujourd’hui à travers le racisme. C’est donc un film actuel qui mérite bien d’être mis en lumière. Le film, sorti en 2019 en Namibie, a gagné en 2020 le Kilimandjaro Award du meilleur film au Festival Africlap et l’actrice principale Girley Jazama, que nous avons reçu avec la réalisatrice lors du Talk Ciné, a été nommée aux African Movie Academy Awards dans la catégorie Meilleur premier rôle. Le film, qui se base sur une thématique forte comme le Fespaco l’aime, a donc toutes ses chances.
7- Baamum Nafi de Mamadou Dia
Le Sénégal, pays à l’honneur de cette édition du Fespaco, a pour représentant dans la compétition officielle le film Baamum Nafi réalisé par Mamadou Dia. Un film qui s’inscrit complètement dans l’air du temps car il est question dans le film de terrorisme et de radicalisation. Un drame familial tout à fait anodin devient la porte ouverte pour la radicalisation de tout un village. Dans le contexte sécuritaire actuel en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale le film trouve tout son intérêt et sa raison d’être. Un film à voir absolument.
Bonus : Les Trois Lascars de Boubakar Diallo
Nous avons dit en titre 7 films, mais bon on va faire un clin d’œil au film Les Trois Lascars de Boubakar Diallo. Fidèle à lui-même, le réalisateur burkinabé fondateur de la société Les Films du Dromadaire, a choisi d’un ; de faire des films à petit budget sans devoir passer d’interminables années à tendre la main aux guichets internationaux qui ont leur vision du cinéma africain, deux ; de proposer des histoires légères mais bien ancrées dans les réalités quotidiennes pour permettre aux spectateurs de passer un bon moment. Car après tout on va en salle de cinéma, non pas pour faire de la philosophie, mais pour vivre un bon moment. Une ligne éditoriale qui lui réussit bien avec des films comme Sam le Caïd (2007) Julie et Roméo (2011), Congé de Mariage (2012). Avec Les Trois Lascars, Boubakar ne déroge pas à la règle et nous propose un film dont le résumé seul promet déjà qu’on va bien se marrer : les mésaventures de trois lascars avec leurs Tchiza [Maitresses, Ndlr] lors d’une virée qui tourne à la catastrophe. Rien que ça ! Dans un contexte social marqué par des crises interminables, ça nous changerait un peu de voir un film plus léger et plein de fraicheur, avoir L’Étalon si ce n’est d’Or au moins d’Argent ou de Bronze.
Notre petit parcours s’achève ici en sachant que c’est le jury emmené par le mauritanien Abderrahmane Sissako qui aura le dernier mot au soir du 23 octobre 2021!
Rostand Wandja
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