Nominée dans trois catégories aux Sotigui Awards 2020, Virginie Ehana tient le rôle principal dans le film camerounais Innocent(e) réalisé par Frank Thierry Lea Malle. Le film est en compétition officielle à la 24eme édition du festival Écrans Noirs qui se tient en ce moment.
Virginie Ehana a accepté de répondre à nos questions et de revenir sur son rôle dans ce film et sa nomination aux Sotigui Awards qui se tient le 14 novembre 2020 au Burkina Faso.
Ayila : Comment vous vivez cette période post Covid ? Comment vous avez vécu le confinement ?
Virginie Ehana : La pandémie n’a épargné personne sur tous les plans. Entre les activités interrompues le confinement et autres… je me réadapte et profite de mes nouvelles aptitudes.
Et quelles sont ces aptitudes ?
Le confinement m’a permit de découvrir de nouveaux exercices pour mon jeu d’acteur, des exercices de voix, de respiration… Et j’ai également profité pour apprendre à fabriquer des perruques pour femmes, à fabriquer des huiles de cheveux, bref j’ai appris de nouvelle choses.
Vous tenez le premier rôle dans le film innocent(e) qui est diffusé actuellement sur Canal+Cinéma et qui est en compétition officielle au Festival Écrans Noirs, comment vous vous sentez surtout qu’il s’agit de votre premier long métrage ?
Je me sens honorée, fière comme n’importe qui à ma place avec l’envie et la motivation de faire mieux et d’aller encore plus loin.
2020 c’est l’année du Covid avec toutes les conséquences qu’on connait, mais c’est finalement une année magnifique pour vous, vous passez sur canal+, vous êtes nominée aux Sotigui Awards dans trois catégories, vous êtes sur un nuage là…
Être sur un nuage peut être, ça fait du bien mais la responsabilité est grandissante. Se retrouver à ce niveau grâce à votre premier film vous redonne de la foi et de l énergie.
Comment êtes vous arrivée au cinéma ?
Alors ma rencontre avec le cinéma se passe en 2008 quand je m’inscris en Arts du spectacle et de la cinématographie à l’université de Yaoundé 1. Déjà j’ignorais qu’on étudiait les arts à l’université et en plus ça ne plaisait pas vraiment aux parents. Mais malgré tout la flamme est née. J’avais cette envie de déverser mes frustrations, de me libérer, de me découvrir et m’assumer et l’art m’a aidé dans ce sens.
Vous interprétez le rôle de l’adjudant Mbuntcha qui doit gérer une enquête pleine de surprises. Comment s’est fait la préparation de ce rôle ? Qu’est ce que vous avez dû abandonner et qu’est ce que vous avez dû apprendre ?
Pour la préparation nous avons travaillé pendant plus de trois mois, entre la préparation physique, psychologique, artistique et même spirituelle. J’ai été encadrée par plusieurs personnes, des coachs sportifs, des nutritionnistes. Je pense ici à Arnaud Ndong, Hervais Ngassam, Tnt workout, l’officier Amougou et bien autres… Et bien sur toute la team Inception qui a cru en moi et n’a cessé de m’encourager. On travaillait à longueur de journée, ça n’a pas été facile mais on y est arrivé. J’ai appris à adopter la vie d’une personne qui n’est pas moi naturellement, j’ai appris à changer de voix, à modifier le physique et tout ça c’était douloureux et fun à la fois.
C’était comment la collaboration avec les autres acteurs Axel Abessolo, Fidèle Bayibedeg, Eshu, Tatiana Matip et les autres ? Pour vous qu’est ce qui caractérise un bon partenaire de jeu ?
Avec les ainés c’était assez surprenant. Avec Tatiana Matip c’était assez facile puisqu’on avait déjà travaillé ensemble sur Angles. Avec elle c’est la bonne humeur, elle a beaucoup d’énergie et elle n’a pas sa langue dans la poche (rire) Et puis c’est elle qui va te recadrer si tu gaffes ou qui va essayer d’apaiser les choses quand il y a des tensions. Avec Eshu c’était pareil, c’est vrai qu’il n’a as mis long sur le plateau, mais c’est quelqu’un de très professionnel et humble qui partage facilement son expérience. Il a cette faculté à te booster pour que tu ailles plus loin.
Avec Axel Abessolo, la petite anecdote c’est qu’au moment où il fallait préparer la scène de bagarre ça n’a pas été évident. Parce que le physique d’Axel m’intimidait et comme je ne supporte pas la violence la première fois qu’il m’a secoué j’ai très mal réagi, je l’ai un peu détesté. C’est le réalisateur qui a dû lui expliquer que je ne supporte pas la violence et qu’il va falloir qu’il essaie d’être plus doux dans ses mouvement le temps que je puisse m’habituer. Et quand il a compris ça il m’a soutenu et il m’a aidé, c’était assez émouvant. Avec Ferdinand Tiognou c’était vraiment extraordinaire, il est tellement simple et humble, il sait écouter et accepter les critiques. Et avec les autres comédiens c’était vraiment bien que ce soit avec Passy Ngah ou Manoella Ngueste.
Avec Fidèle Bayibedeg c’était la première fois qu’on travaille ensemble, c’est quelqu’un d’insaisissable et qui change beaucoup ce qui est un atout à certain moment. Mais c’est une personne riche, il faut vraiment s’approcher d’elle pour comprendre ses réactions et comment elle fonctionne. En travaillant avec elle je me suis découverte certaines aptitudes et ça a été un vrai plaisir de travailler avec elle.
En dehors d’être actrice de cinéma vous êtes aussi actrice de théâtre..
Mes premiers pas sur scène c’est au théâtre, pour moi le cinéma et le théâtre vont de paire, je me sens à l’aise dans les deux domaines même si je suis plus vue au cinéma.
Dans le film vous devez gérer le foyer et le boulot, assurer l’équilibre. Ça correspond à l’image que vous vous faites de la femme ? Quel regard vous portez sur la place de la femme dans la société actuelle ?
Il est vrai que je suis féministe. J’ai grandi en sachant que la femme est la ceinture qui tient le pantalon de l’homme, du coup la femme a une place importante dans la société. Elle a ce pouvoir de maintenir l’équilibre, voilà pourquoi elle doit être appréciée à sa juste valeur. Chaque mouvement connait des couacs, avec les nouvelles technologies certaines femmes confondent beaucoup de choses. Certaines mettent l’accent sur la forme en ignorant le fond. Tout part de la base nous devons sauver la jeune génération qui sombre dans un suivisme moutonnier. Plusieurs jeunes filles bafouent les valeurs, pourtant elles devraient associer l’utile à l’agréable. Nous ne sommes pas en compétition avec les hommes mais nous sommes des êtres humains au même titre que ces derniers. Et pour cela nous avons le droit de nous affirmer et être appréciées à notre juste valeur.
Dans « Point de vue », « Neighbour » et « Innocent(e) » vous êtes toujours du côté de la justice, de la loi, de l’amour, vous choisissez uniquement ce genre de rôle ou ce n’est que ça qui vient ?
Je ne sais pas s’il s’agit de coïncidence mais ce que je sais c’est que ce n’est pas prémédité encore que ce n’est pas loin de ma réalité.
Quel est le regard que vous portez sur les violences conjugales ?
Je condamne énergiquement toute violence encore plus les violences conjugales. J’ai pour habitude de dire l’amour ne fait pas mal. Il est donc inadmissible que deux personnes supposées s’aimer se fassent du mal. Rien ne justifie un acte violent et ce que l’on oublie est que la violence n’est pas seulement physique et que les répercussions ne sont pas seulement conjugales.
S’il fallait retourner innocent(e) aujourd’hui qu’est-ce que vous améliorerez dans votre jeu ?
S’il fallait retourner innocente j’améliorerai pas mal de choses, maintenant il va falloir que ça arrange le réalisateur (rires)!
Comment était la collaboration avec Frank Léa Malle ? Il faut noter que ce n’est pas votre première collaboration.
Ce n’est pas notre première collaboration et ça reste enrichissant. Franck Thierry s’est toujours comporté en grand frère et le grand frère a toujours le bâton et la carotte. La responsabilité étant plus grande vous convenez avec moi qu’il y avait plus de rigueur et ce n’est pas toujours évident avec les égos, la pression, les problèmes et tout le reste. Dans l’ensemble c’était dur mais ça en valait la peine.
Vous êtes nominée dans trois catégories aux Sotigui Awards, quelle est la réaction de votre entourage ? Est-ce que vous avez déjà reçu des propositions pour de nouveaux projets ?
Étant déjà très réservée de nature, plusieurs personnes ont été surprises de me découvrir en tant que comédienne, de me voir sur Canal+ et nommée par la suite. C’est un mélange d’émotions. Pour les propositions il y en a mais bon on ne s’engage pas pour le fun, il y a des paramètres qui rentrent en jeu. Certaines personnes me croient inaccessible pourtant il n’en est rien, je reste ouverte à toutes propositions même si je suis sélective. Je suis actrice du Cameroun, je suis actrice du monde.
Propos recueillis par Rostand Wandja
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