OPINION
Après 5 semaines dans les salles de cinéma en Afrique et plus de 5000 Entrées le film L’ACCORD du camerounais Frank Thierry Lea Malle continue de faire parler. La cinéaste et critique camerounaise Élise Kameni nous dévoile ce qu’elle a pensé de ce film.
Si on connaissait déjà Thérèse Ngono comme une bonne actrice au vu du nombre impressionnant de productions dans lesquelles elle a joué, L’ACCORD de Frank Thierry Lea Malle nous a révélé une grande actrice. Thérèse dans son rôle de mère d’enfants est tout simplement sublime dans ce film impeccablement mis en scène par le réalisateur camerounais. L’ACCORD nous plonge dans une société camerounaise où chacun se reconnait, deux mères aux statuts différents expriment chacune à sa manière leur amour pour leurs progénitures.
L’authenticité des situations, des conflits socio-culturelles et même politiques qui sont mis en exergue sans artifices frisent la réalité. Ceci avec des indices plus ou moins visibles que l’auteur utilisent pour dénoncer un environnement social bouleversé. Nous voyons le ridicule de ces tallons portés par madame la maire incarnée par Reine Mpouadina, s’enfoncer dans la boue et les couloirs des sous quartiers, pour aller négocier une situation devenue critique. Une métaphore de la haute société au pouvoir qui devrait « changer les choses » qui s’incline devant une situation menaçante.
C’est un cri du réalisateur lancé contre la face de ces gens qui détiennent pouvoir et argent, en oubliant que tout le monde ne vend pas sa conscience malgré le fossé. Et que bien au contraire cela peut plutôt créer des révoltes allant à jusqu’à l’intention du meurtre comme celle du père, incarné avec justesse par Moussa Sindjah, qui voit la vie de son seul enfant qui va l’école (incarné par Vanessa Ambassa) être totalement brisée. Une situation qui contraste avec celle de ce père riche qui viole une fillette « espoir de toute une famille », et veut étouffer la situation avec de l’argent et rester impuni.
La spécificité de ces conflits sociaux nous est jetée à la figure, à une époque où les mots ne servent plus à s’exprimer, où il y a un fossé de plus en plus grand entre ceux qui ont perdu espoir et ceux qui y croient encore. Un univers où les adolescents et les jeunes déphasés et en pleine crise doivent retenir toute notre attention.
Sur le plan artistique une révérence certaine est tirée à la costumière, à la coiffeuse et au maquillage qui ont pu mettre la distance entre les différents personnages. L’accoutrement des personnages a été vu comme le reflet de leurs caractères, de leur appartenance sociale et historique, ou encore de leur état psychologique. Un ensemble de choix utiles opérés avec le réalisateur qui donne un cachet unique au film.
Dans la salle de la grande première au Palais de Congrès de Yaoundé et plus tard dans les différentes salles de projection, le public s’est identifié et est entré dans le film avec une grande liberté. Partageant plus ou moins intensément la vie des personnages, allant jusqu’à éprouver des émotions parfois très vives devant certaines séquences. Chaque personnage de l’intrigue suscitant une prise de parole et une prise de position. Une mention spéciale à Thérèse et Reine dont les personnages respectifs sont les prototypes des femmes fortes à la Camerounaise qui ne comptent pas toujours sur l’homme pour s’en sortir.
Bravo à FT LEA Malle, Bravo à toute l’équipe de Production.
Élise Kameni
Élise Kameni est Critique membre de Cinépress (association des critique de cinéma camerounais), elle est également la présidente de l’ADAMIC (l’association des dames de l’image au Cameroun).
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