Le film Chariot Of The Gods était en projection le 03 novembre dernier dans le cadre de la 8ème édition du festival Yarha. AYILA y était et nous vous proposons ce que nous avons pensé de ce film plein d’espoir mais qui laisse sur sa faim.
Le film aurait dû sortir officiellement au Cameroun le 04 décembre 2020 mais pour des raisons jamais expliquées, la sortie avait été annulée et le film se contentant de quelques projections ci et là dans quelques festivals. A la faveur de la 8ème édition du festival Yarha, Chariots Of The Gods, quatrième long-métrage de Anurin Nwunembom après Broken (2019) et Therapy (2020) a été diffusé le 03 novembre dernier à l’Institut Français du Cameroun de Yaoundé. Ce troisième long-métrage, curieusement en compétition dans un festival destiné aux premiers longs-métrages, a attiré plusieurs personnes pour sa première projection dans la capitale camerounaise.
Chariots Of The Gods s’ouvre sur une pancarte qui nous indique que le film s’inspire d’une légende Bakweri (tribu du Sud-Ouest du Cameroun), la légende de l’Efasa Moto. Selon cette légende très répandue dans le Sud-Ouest du Cameroun, lorsque des gens se perdaient en montagne, cela était le signe que les dieux étaient en colère. Et pour apaiser les dieux, il fallait leur donner en sacrifice un enfant albinos. Glaçant ! Et c’est sur cette légende que s’articule ce film produit par Lucie Memba et sa société LMB Prod.
Le film démarre avec plusieurs jeunes gens qui mènent une battue sous la supervision du chef du village Mola Kingue incarné par Cosson Chinepoh. Ils sont à la recherche de quelques jeunes hommes qui se seraient perdus sur la montagne. Du moins c’est la piste qui sera la moteur de l’intrigue du film. Parmi ces enfants disparus, l’un des fils du chef. Et comme par hasard à la même période, le deuxième fils du chef incarné par l’ivoirien Stephane Zavaby débarque dans le village pour passer les vacances en compagnie de sa femme (Lucie Memba) et de sa fille albinos, Liengu, incarné par Manon Mikon Edale. Les jours passent et toujours pas de traces des disparus, alors le Mola Kingue sous la pression de ses administrés, décide d’invoquer l’Efasa Moto et de sacrifier sa petite fille albinos pour retrouver les enfants perdus et préserver son pouvoir. L’histoire, bien menée les 2/3 du film malgré les lenteurs, nous propose des personnages contrastés qui font face à des choix complexes. Il ne s’agit pas de personnages foncièrement méchants ou foncièrement bons, mais des personnages humains confrontés comme tout le monde à leur bon côté et à leur mauvais côté. Une qualité de construction de personnage souvent rare dans les productions locales. Et Mola Kingue incarné de manière juste par Cosson Chinepoh parvient à nous embarquer dans le dilemme qui le ronge, préserver l’équilibre de sa famille mais aussi de son village. Il décide avec l’aide des jeunes à sa solde d’enlever sa petite fille Liengu et l’emmener sur la montagne pour le rituel sacrificiel. Commence alors un jeu de course entre le Mola kingué qui doit convaincre ses conseillers de la pertinence de ce sacrifice et les parents de Liengu qui ne comptent pas laisser leur enfant se faire sacrifier. Une course poursuite sur les montagnes qui n’est malheureusement pas mise en valeur dans la réalisation du film. Le découpage très pauvres n’aide pas. Le dernier tiers du film va dans tous les sens et finit par décevoir. L’envie de résoudre tous les problèmes et de donner une fin à tout provoque encore plus de problèmes et d’incompréhension.
Si le scénario du film écrit par Lucie Memba, Anurin Nwunembom et Ervy Patoudem s’effrite à la fin, il n’en demeure pas moins que l’histoire nous captive jusqu’à un certain niveau d’abord par le choix du sujet et ensuite par un étonnant mélange de langues. Les acteurs parlent tantôt en anglais, tantôt en français, tantôt en pidgin ou en bakweri. Un multilinguisme pour un film dans un pays en proie à de nombreuses crises dûes en partie à des différences linguistiques et culturelles. Un petit essai de vivre ensemble qui trouve tout son charme lorsque les voix des personnages ne sont pas doublées. Le jeu d’acteur qui aurait pu nous faire oublier les lacunes et les lenteurs du scénario plombe encore plus le projet car le film souffre réellement d’un manque de direction d’acteur et les quelques acteurs qui parviennent à nous donner quelques émotions justes sont ceux incarnant les seconds rôles. Mention spéciale à Douala Douala, Bernard Ngwa et Charlotte Ntamack. La petite Manon Mikon Edale qui incarne Liengu parvient quelques rares fois à ressortir quelques émotions. Lucie Memba et Stephane Zabavy ne parviennent pas du tout à nous convaincre malgré toute l’énergie mise en jeu!
La réalisation quant à elle reste très basique et n’offre aucune proposition esthétique ou technique. On ressent un gros pincement de cœur de voir que le décor montagneux et majestueux où se déroule l’histoire n’est pas du tout mis en valeur. Le montage du film, peu abouti, qui emprunte parfois à une démarche documentaire ne parvient pas à donner du rythme et à valoriser l’histoire. La direction de la photographie signé Réné Ettat manque de recherche et de précisionet l’étalonnage qui aurait pu ajuster certains détails n’a visiblement pas été faite. Tous ses élement associés au son non mixé (qui a curieusement gagné le prix du meilleur son au festival Yarha) n’aident pas non plus à donner de l’envergure à la réalisation du film. Ce qui est bien dommage pour un film plein d’ambitions et qui malgré tout se regarde et aborde un sujet intéressant et qui mérite l’attention.
Rostand Wandja
Commentaires