La 8ème édition de la Semaine Internationale du 1er Film – Yarha, démarre le 31 octobre 2021 à Yaoundé. A quelques jours du début des activités, nous faisons le point avec la directrice de ce festival, Sylvie Nwet.
C’est dans les nouveaux locaux du Yarha Festival sis à Nkol-Eton à Yaoundé que la directrice du festival international du 1er film, Sylvie Nwet, nous a reçu pour parler des contours de la 8ème édition de cet évènement qui démarre dans quelques jours.
AYILA : Nous sommes à quelques jour de la 8ème édition du Yarha – Festival du Premier Film. Quel est l’état d’avancement des préparatifs ?
Sylvie Nwet : Disons que les préparatifs vont bon train dans la mesure où nous avons déjà toute notre sélection, que ce soit pour les compétitions officielles en longs métrages ou en courts métrages et également la sélection hors compétition. Il y aura également des activités annexes. On aura deux jours de conférences sur le thème Cinéma face au numérique et on aura également la journée Femme Ciné. Nous avons décidé de mettre la femme au-devant de la scène, sachant que la femme a tous les moyens et les atouts pour être une grande réalisatrice, une grande productrice ou une grande comédienne. De plus, étant moi-même une femme à la tête de cette organisation, je ne peux que donner une grande place à la femme dans ce domaine. Donc tout se passe bien en termes d’organisation. Nous attendons juste le jour J pour voir si en termes de déploiement, on pourra atteindre nos objectifs. Néanmoins, il se pose toujours l’épineux problème du financement parce que sans financements, nous ne pouvons rien faire. Nous avons énormément de charges et nous n’avons pas de soutiens financiers conséquents, qu’ils soient de l’État ou de nos partenaires privés. Donc, à un mois de l’évènement, nous lançons un vibrant appel, que ce soit au niveau du gouvernement, de notre ministère de tutelle, des partenaires privés, nous avons besoin d’eux pour que la fête soit belle.
Ayila : Le thème de cette année est ‘’Cinéma face au numérique, le cinéma de demain’’. Pourquoi ce choix ?
Sylvie Nwet : Tout simplement parce que chaque année, nous avons une thématique et aussi il se trouve que nous sommes dans la mouvance du numérique. Nous voyons beaucoup de gens faire des films avec de nouveaux outils numériques, avec des téléphones, etc. Maintenant il y a des interrogations. Est-ce que ces films-là reflètent les films de cinéma comme on le voyait à l’époque ? Qu’est-ce qui manque ? Est-ce qu’il faut commencer par une vraie sensibilisation et une vraie formation dans le numérique pour pouvoir mieux outiller les réalisateurs d’aujourd’hui ? Et quand je dis d’aujourd’hui, je parle de ceux qui utilisent ces nouveaux outils de production ou qui ne connaissent que ça. Donc, autant de questions qui nous ont amenés à choisir cette thématique et nous avons des professionnels qui seront là pour en débattre.
Ayila : En tant que directrice de festival, vous avez une vue globale sur la production qui se fait depuis à peu près 8 ans déjà. Est-ce que vous pensez que le numérique est un atout ou alors une faiblesse ? Faiblesse entre guillemets en termes de créativité parce qu’aujourd’hui, avec le numérique, tout va très vite. N’importe qui prend une caméra et fait ce qu’il veut.
S.N. : Je dirai les deux. Un atout dans la mesure où tout le monde peut s’amuser à utiliser ces outils. Mais pourquoi? Pour quelle fin? Là encore, il faut s’interroger. Je me suis toujours dit que le numérique ressemblait à un frein pour le développement véritable de notre cinéma en termes de créativité. Mais peut être que c’est aussi un avantage pour ces mêmes gens en leur donnant accès à un nouveau public. Mais est ce que ça va aider notre cinéma à avancer vraiment dans le monde entier, à garder ses lettres de noblesse? Ce sont des interrogations et une fois de plus je parle en amateur. Donc, j’attendrai de comprendre ce qui se dira lors des échanges durant le festival.
Ayila : Parlant de l’ossature même du festival qui est le premier film, pourquoi avoir choisi le premier film ? Est-ce qu’il n’y a pas une certaine difficulté à garder cette ligne ?
S.N. : Pour avoir fait mes premières armes dans un autre festival (Festival Écrans Noirs, Ndlr) ici à Yaoundé pendant 14 ans, j’avais vu qu’il y avait une forte demande au niveau des jeunes qui étaient autour et aussi parce qu’il fallait absolument leur trouver un espace qu’ils n’avaient pas. D’où le premier film. Deuxièmement, on fera toujours les premiers films. Ça ne peut pas finir, on en fera toujours. Le regret, c’est qu’il n’y ait pas assez de premiers films dans mon propre pays, qui est le Cameroun ou même dans la sous-région Afrique centrale. Chose que je déplore. Mais je dois reconnaître aussi que depuis sept ans aujourd’hui, il y a eu une avancée. Cette année on a au moins cinq films camerounais en compétition officielle, ça montre que les gens ont compris qu’il faut vraiment travailler pour pouvoir satisfaire le public.
Ayila : Cette année il y aura des masterclass comme les années précédentes. Qu’est-ce que ça apporte concrètement ? Est-ce qu’il y a un réel impact sur le terrain à l’issue de toutes ces masterclass ?
S.N. : Il y a toujours un impact quand on est dans un espace professionnel. En réalité, ce n’est pas le fait que Yarha organise des masterclass qui est un problème, le problème c’est est-ce que ceux qui reçoivent ces masterclass viennent vraiment pour apprendre quelque chose? Est ce qu’ils sont préparés à ça? Parce qu’en amont, Yarha communique dessus. Celui qui vient et trouve son compte, tant mieux pour lui. Yarha crée un espace qui est pour l’instant gratuit alors qu’ailleurs, c’est payant pour s’inscrire dans les espaces professionnels. Cette année, on a décidé qu’au lieu de faire les ateliers de formation à très long terme, on va faire des masterclass de trois heures tous les jours. Tous les jours, vous aurez un maestro, comme son nom l’indique, qui viendra faire une masterclass en production, en réalisation, en mise en scène, en jeu d’acteur et même en photographie. Yarha ne peut que vouloir apporter quelque chose de meilleur pour le monde du cinéma. Maintenant, est ce que le monde du cinéma est prêt à le prendre? Je pense que c’est aux acteurs du cinéma de répondre à cette question.
Ayila : Pour ce qui est de la présence du public pendant les projections, quelles sont vos stratégies pour qu’il y ait de l’affluence? Surtout qu’on sort d’une année marquée par le Covid 19
S.N. : Si hier, il y avait un grand public pour le cinéma et qu’aujourd’hui on déplore le manque de public, c’est tout simplement parce qu’il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées entre les deux époques. Mais actuellement, le cinéphile existe, il est seulement endormi. Il faut pouvoir le réveiller parce qu’entre temps il y a eu les bars, il y a eu la crise économique… Je causais encore récemment avec certains élèves qui affirmaient n’avoir jamais mis les pieds dans une salle de cinéma. Ce qu’on essaie de faire au niveau de Yarha, c’est justement de parler avec les écoles. C’est pour ça d’ailleurs qu’on a mis sur pied les matins petits déjeuners ciné enfants qui nous permettent d’habituer les enfants à aller dans les salles de cinéma obscures. C’est à partir de là qu’on peut former le cinéphile de demain et en même temps créer des vocations. Quoi qu’il en soit, pour moi, le premier public doit d’abord être les acteurs du cinéma local. Si on essaie de faire le ratio seulement dans Yaoundé, combien sont dans les métiers du cinéma? Et quand il y a dans un festival, ça devrait être les premiers à venir voir les films. On n’a même pas besoin d’aller les chercher. Ils viennent parce qu’il y a des films à voir et ils doivent être là. Ils viennent parce qu’il y a des masterclass. Ils viennent parce que c’est un espace de rencontre et on ne sait jamais. Ils doivent venir avec leur projet dans le sac. On ne sait pas qui on rencontre. C’est de cela qu’il s’agit.
Ayila : Est-ce qu’on peut déjà connaître quels sont les membres du jury et quel va être le film d’ouverture du festival?
S.N. : Alors, notre jury est vraiment international parce qu’effectivement il faut pouvoir jauger la qualité du film de nos jeunes réalisateurs, nous sommes donc aller chercher la crème de la crème. Le président du jury long métrage ce sera Greg Germain. Il est une sommité dans le monde du cinéma, du théâtre. C’est quelqu’un qui va apporter énormément parce qu’en dehors du fait qu’il soit président du jury, il va également faire des masterclass. Non seulement c’est d’abord un acteur de théâtre, mais il fait la mise en scène. Il produit également, donc il est multiforme dans ce qu’il fait, mais avec une précision incroyable. Je pense que nous avons quelque chose en or et j’appelle vraiment tous ceux qui sont dans le cinéma à être là. En plus de ça, on a des grands réalisateurs comme Moussa Touré du Sénégal qui sera là. On aura la présence de Mweze Ngangura. Aussi, je pense que Covid nous a appris beaucoup de choses. J’ai compris qu’à tout moment on pouvait partir. Et je me suis rendu compte que parfois, on ne sait pas remercier les gens pour ce qu’ils ont fait. J’ai regarder autour de moi et j’ai pensé à quelqu’un qui est aujourd’hui d’un âge mûr, mais qui a beaucoup fait pour le cinéma. Il s’agit de Gérard Essomba. C’est lui qui sera le parrain de cette édition.
Ayila : Le film d’ouverture…
S.N. : (Rires) Oui, je le garde encore pour moi mais ce sera un documentaire du Cameroun. Un documentaire fait par une femme qui parle de cette différence que nous croyons avoir alors que nous sommes identique et que la différence vient juste d’une ethnie qui s’est retrouvée entre deux fleuves … je vous promets que je vous communiquerai plus de détails très bientôt, donc prenez votre mal en patience.
Propos recueillis par Rostand Wandja
Commentaires