Du 04 au 06 novembre 2021 va se dérouler à Abidjan le Salon du Cinéma au Féminin. Une initiative destinée aux femmes qui opèrent dans le domaine du cinéma aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Afrique. Ayila est allé à la rencontre de l’initiatrice de ce projet, la réalisatrice Rita Ambeu. Dans cet interview exclusif, elle détaille les contours de cet évènement.
Ayila : Vous êtes l’organisatrice du Salon du Cinéma au Féminin qui va se tenir du 04 au 06 novembre 2021 à Abidjan. Comment est né le projet et qu’est-ce qui l’a motivé ?
Rita Ambeu : J’ai fait ma formation en Afrique du Sud où j’ai vécu pendant 12 ans. Et là-bas, il y avait toujours quelque chose à faire. Soit avec le Ministère de la Culture, soit avec les jeunes organisations dans le cinéma, il y avait des ateliers organisés gratuitement dans les écoles, les quartiers. Et je suis venue avec cette dynamique en Côte d’Ivoire. A mon arrivée je me suis demandée pourquoi le terrain était si calme ; pourquoi il n’y avait pas assez de formations, de masterclass… J’ai appris des nigérians qu’il ne faut pas toujours avoir la main tendue, il ne faut pas passer le temps à demander aux gouvernants, aux autorités, mais il faut savoir aussi encourager les autorités à t’aider et il faut pourvoir donner quelque chose à son pays. Je suis venu avec cet objectif de pourvoir mettre mon talent et mon savoir à la disposition de mon pays et d’autres jeunes comme moi. Je suis quelqu’un de très motivée qui n’abonne pas facilement et qui aime le travail bien fait, qui aime avoir accès à des opportunités et qui aime créer des opportunités. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose que je voudrais qu’on me fasse dans mon pays. J’ai remarqué que c’était difficile pour les jeunes filles de s’introduire dans le milieu (du cinéma) quand elles finissent en tant qu’étudiantes. Elles ne savent pas sur qui compter ou qui avoir comme modèle en Côte d’Ivoire pour pouvoir s’insérer professionnellement, ce qui les décourage très souvent et les pousse à changer de métiers. Et je me suis dit qu’il y a vraiment un problème qu’on doit régler et je me suis assise avec mon équipe et leur ai exposer ce que j’ai remarqué et ce que j’aimerais voir changer. C’est comme ça qu’est né le Salon du Cinéma au Féminin. J’ai décidé de me donner l’opportunité d’apprendre auprès d’autres femmes qui ont déjà une reconnaissante internationale mais aussi de faire profiter cette opportunité à des jeunes filles. Parce que ce n’est pas facile pour tout le monde d’approcher les gens et leur poser des questions. Et ces femmes ne sont pas toujours disponibles. Donc quand il y a une personne qui peut s’approcher de ces personnes sans craintes, il faut que cette personne le fasse profiter aux autres.
Ayila : Votre évènement s’adresse aux femmes qui œuvrent dans le cinéma. En quoi cet évènement est différent des autres évènements qui sont déjà consacrés aux femmes sur le continent comme les autres festivals dans plusieurs pays africains, quelle est la particularité du salon que vous organisez ?
Rita Ambeu : Comme je l’ai dit plus haut, le Salon du Cinéma au Féminin est différent dans la mesure où notre salon fait l’insertion professionnelle des étudiantes en cinéma. Alors que les autres festivals de femmes s’adressent à des professionnelles qui peuvent produire, qui ont déjà un film réalisé.
Vous êtes dans le volet formation, comment va se dérouler concrètement cette formation ? Est-ce qu’elle est liée au concours de pitch que vous avez lancé ?
Nous avons lancé différents appels à candidature, un appel à candidature pour le concours de pitch et un appel à candidature pour trois formations. Toutes les personnes qui seront sélectionnées pour le concours de pitch seront préparées avant le jour du pitch par des professionnelles venant du Bénin, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, etc. En plus de cela, elles vont bénéficier des différentes formations du salon. Pour les masterclass, il y a des étudiantes qui s’inscrivent pour profiter des formations de Siam Marley, de Marina Niava et d’autres. D’office les candidates du pitch sont automatiquement inclus dans les formations. Concernant les formations, on a Siam Marley qui donne une formation sur la technique de réalisation et de mise en scène, on a Marina Niava qui donne une formation sur les techniques de lecture de scénario et décryptage et on a Adélaïde Ouattara qui donne une formation sur la politique de gestion de carrière, comment en tant qu’acteur ou actrice une personne doit prendre soin de son image, l’utiliser pour gagner des contrats présenter son cv artistique, sa filmographie et autres.
En dehors des formations avec les personnalités que vous avez cité, quels sont les autres activités qu’on va retrouver durant ce salon ?
En dehors des formations, le premier jour on aura un panel sur le positionnement des femmes dans le cinéma. Habituellement ce sont les grandes chaines comme A+ qui font venir des grands acteurs en Côte d’Ivoire pour qu’ils puissent rencontrer leurs fans. Et on s’est dit pourquoi on n’organiserait pas un évènement pour que la population locale rencontre les acteurs locaux. Donc on a décidé d’organiser un meet-up avec les actrices de la série à succès Les Coups de la Vie : Yasmine Reda, Vanessa Patinvoh, Guei Eve. On a aussi décidé d’organiser un cocktail des partenaires. Ce cocktail consiste à inviter tous nos partenaires ainsi que les professionnelles du cinéma et les étudiantes qui ont participé au meet-up ainsi que les meilleures étudiantes de chaque centre formation en Côte d’Ivoire. On les fait venir à ce cocktail pour rencontrer des professionnelles et durant cette soirée on va annoncer la gagnante du pitch; on va aussi donner des prix d’honneur à des femmes qui ont vraiment eu un impact dans le cinéma en Côte d’Ivoire et en même temps projeter un documentaire que nous sommes entrain de réaliser dans le cadre du salon qu’on a intitulé Les Héroïnes du 7eme Art.
Le salon est porté par la société Golden Arrows Productions qui porte déjà le magazine On Move Magazine, est-ce que vous pouvez nous parler de cette structure ?
Golden Arrows Productions c’est l’expérience de plusieurs pays africains réunis en deux personnes. C’est l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Benin, le Togo, le Sénégal, etc. Nous avons remarqué que les chinois, les latino-américains, les américains nous ont emmené à aimer leurs histoires, à aimer les choses qu’ils nous présentent de leur pays à travers des séries et des films. Et on remarque qu’aujourd’hui ces mêmes personnes viennent en Afrique, prennent des histoires africaines, vont les développer en écriture chez eux, reviennent en Afrique pour les tourner avant de retourner chez eux avec ces histoires. On s’est dit : comment on peut faire pour améliorer cela. Il faut reconnaitre qu’aujourd’hui le monde a soif de découvrir l’Afrique. Il y a tellement de mystères autour de l’Afrique que même l’africain a besoin de découvrir l’Afrique à travers des images. Ce n’est pas aux étranges de nous raconter nos histoires, c’est à nous de donner la chance à ces personnes qui viennent, de découvrir qui est vraiment l’africain à travers les histoires qu’on écrit, à travers les films, à travers les séries. Et c’est seulement en y mettant du sérieux et de la passion et en luttant à travers nos films que nous pourrons véritablement redorer l’image de l’Afrique que l’on a l’habitude de voir dans les médias. C’est pour cette raison que Golden Arrows Productions a été créé.
Quel est votre regard sur l’évolution du cinéma en Afrique et quel est le rôle que vous pensez que les femmes peuvent jouer pour davantage développer ce cinéma
En termes de production en Afrique, j’ai remarqué qu’il y a une nouvelle génération de cinéastes qui travaillent dur, qui cherchent à coproduire entre les pays africains, mais je pense que nous avons besoin de formation nous avons aussi besoin de profiter de l’expérience de l’ancienne génération de cinéastes africains. Je disais plus haut que j’ai fait un documentaire et j’ai remarqué qu’il y a une cassure entre notre génération et l’ancienne génération. C’est comme s’il y a un vide que nous devons combler. On a besoin de canaux de transmission afin que cette ancienne génération nous partage l’expérience de leur époque de production. Et si on réunit cette connaissance avec celle de notre époque, je pense qu’on va briller. Néanmoins il y a beaucoup de belles choses qui se font en Afrique actuellement, les productions se multiplient, en Afrique du sud, au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, il y a beaucoup de choses à faire et nous sommes sur le bon chemin.
Propos recueillis par Rostand Wandja
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