C’est avec un standing ovation que s’est achevée la projection du film Saving Mbango au Palais des Sport de Yaoundé, le 02 novembre dernier durant la 24eme édition du festival Écrans Noirs. Ce drame romantique réalisé par Nkanya Nkwai a su convaincre et émouvoir le public venu nombreux pour la circonstance.
Saving Mbango est un film captivant. Du début à la fin du film on est emporté par de multiples émotions. Parfois on rit (sincèrement), parfois on est calme, parfois on veut littéralement pleurer. Avec ce film Nkanya Nkwai nous emmène dans une histoire contemporaine à la société camerounaise. Une histoire d’amour entre John (interprété par Godisz Fungwa) et Mbango (interprété par Laura Onyama) qui par un heureux hasard se rencontrent et commencent une idylle. Mais aussi une histoire dramatique car John et Mbango vivent chacun des situations personnels difficiles. John a dû mettre ses études et ses rêves de côté pour s’occuper de sa famille paresseuse qui ne fait aucun effort mais qui lui impose toute sorte de choses et de contraintes. Mbango, dont le physique et l’histoire ne passent pas dans la tête des habitants du village, est considérée comme une sorcière mais en réalité, elle est rongée par une tumeur au cerveau. Un ensemble de difficultés qui mettra à dur épreuve l’amour entre Mbango et John et qui le rendra encore plus fort, encore plus émouvant. Le scénario de ce film écrit par Lino Lovet est simple mais efficace. On regrettera certainement certaines longueurs et certaines scènes très clichés lorsqu’on va dans la vie de John et de sa famille mais à chaque fois qu’on se retrouve avec John et Mbango, le réalisme et les émotions y sont et l’histoire nous emporte, on vit leurs sentiments. Le twist final du film est logique, ingénieux mais douloureux. Même si on ne croirait pas à un retournement de situation, on le désire véritablement, on espère à un miracle pour venir chambouler les choses et que John et Mbango continuent de s’aimer jusqu’à la fin de temps… Nkanya Nkwai démontre avec ce film tourné à 95% en Pidjin que le drame romantique est certainement le genre où il se sent le plus à l’aise et où il réussit à transporter le spectateur par des émotions justes.
Et ces émotions justes sont d’autant plus perceptibles avec la prestation remarquable des comédiens. Godisz et Laura livrent une véritable performance et parviennent à nous immerger dans l’histoire. Chacun d’eux parvient avec des petits gestes, avec le regard, à donner une consistance et à construire des personnages humains et aussi proches de personnes qu’on rencontrerai dans la vie de tous les jours. Durant la conférence de presse qui s’est tenu le lendemain de la projection, les deux comédiens ont d’ailleurs révélés avoir pris plusieurs mois après le tournage du film pour sortir complètement de ces rôles et pour recommencer une vie normale. Évidemment dans le film il n’y a pas que ces deux comédiens, Otia Vitalis en père plus amoureux de sa bouteille de bière qu’autre chose, Libota Mcdonald, Adjibi Liviana et Stéphanie Tum la productrice du film qui joue la belle sœur très irritable de John. Le réalisateur a su donner à chacun un personnage et une identité singulière qui participent à l’efficacité de l’histoire.
Le film a été tourné en 3 semaines à Mondoni, un petit village dans le Sud-Ouest du Cameroun. Un temps relativement court pour un long métrage déjà à cause des limites financières mais aussi à cause des conditions sécuritaires instable dans cette région du Cameroun. Cet ensemble de choses explique peut-être certaines limites techniques du films comme ce plan en transtrav pas très réussi sur Mbango lorsqu’elle est assise en face de la route et qu’elle envisage déjà mourir ou encore ces défauts d’étalonnage. Mais cela n’empêche pas d’apprécier le film. Le réalisateur ne prend pas beaucoup de risque et opte pour un certain classicisme dans ses prises de vue, il utilise très rarement des travellings et des mouvement de camera, mais avec des gros plans, il laisse les comédiens inonder le cadre par leur jeu et assaisonne le tout d’une musique assez émotionnelle. La musique trahit un peu les influences occidentales du réalisateur qui fait avec ce film une sorte de Roméo et Juliette à la camerounaise. Une musique avec un zeste de balafon, de Sanza et autres instruments locaux auraient certainement accentué le charme de l’œuvre. La couleur bleu est très présente dans les costumes des comédiens principaux et contraste avec le vert dominant du paysage de Mondoni et contribue encore à marquer cette isolation face au monde alentour que vit John et Mbango. Film à voir !
Ce film qui a déjà remporté plusieurs prix dans des festivals est en compétition dans 3 catégories au festival Écrans Noirs 2020 peut être regardé en ce moment sur Amazon Prime Video.
Rostand Wandja
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